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Madame Pylinska et le secret de Chopin : la musique et la vie


Le vendredi 29 novembre, vers 19 h 45, mes parents et moi sommes pénétrés dans la salle Pauline-Julien, à l’abri du froid qui régnait à l’extérieur. Après nous être faufilés à travers l’amas de gens, nous nous sommes assis sur nos sièges, éloignés du brouhaha. Une chose était sûre, les gens étaient impatients de voir Éric-Emmanuel Schmitt entonner son récit. Leur excitation était quasiment palpable.


La découverte de Chopin

Soudain, les rideaux s’ouvrent. Schmitt, assis à un bureau trop petit pour sa carrure imposante, nous fixe attentivement et se met à raconter, de sa voix douce et mélodieuse, sa rencontre inattendue avec l’œuvre de Chopin. L’éclairage tamisé et chaleureux nous permet de discerner son visage radieux et ses mains fortes. Schmitt a l’air d’un grand-père qui entame le récit d’un conte pour ses petits-enfants. Sa verve fait de lui un excellent orateur et rapidement je me retrouve envoûté par l’histoire.


En restant attentif, mon regard se pose sur le décor situé derrière l’écrivain franco-belge. Il est simple mais efficace : un fauteuil brun style Second Empire, un présentoir à vêtements, des feuilles de papier sur lesquelles se trouvent des partitions musicales et … Une figure se cache dans l’ombre. Jusqu’à maintenant, il n’est possible de voir que la partie droite de la scène. Schmitt nous parle maintenant de sa tante Aimée et de la fois où elle a joué, devant toute la famille, Berceuse. Une fois sa phrase terminée, l’écrivain se tait. Alors apparaît le pianiste Nicolas Stavy. Doucement, ses doigts effleurent les touches d’ivoire et les ondes musicales affluent vers le public. Ayant l’esprit quelque peu fatigué, je me laisse bercer par la beauté de la mélodie.



Le récit se poursuit. Schmitt, âgé de vingt ans, plus que jamais décidé à apprendre à jouer Chopin, contacte madame Pylinska, une professeure de piano polonaise immigrée à Paris depuis vingt ans. Leur rencontre se fait chez elle. Pour l’incarner, Schmitt adopte un ton de voix caverneux et grinçant. Armé d’un éventail beige, il mime la femme en train de tirer sur sa cigarette. Sa posture est droite lorsqu’en l’incarnant, il présente au vingtenaire qu’il était, les trois chats de madame Pylinska, tous baptisés en l’honneur des trois plus grands interprètes du pianiste franco-polonais : Rubinstein, Horowitz et Alfred Cortot. Je crois entièrement à son jeu, malgré le ridicule de la situation : un homme massif imitant une femme longiligne aux traits taillés à la serpe. Schmitt joue une partie de Nocturne, avant de se faire interrompre brutalement par la femme. Sa forte carrure le rend violent, lui dit-elle. C’est la fin de la première séance. Plus tard, elle lui apprendra qu’il faut être décontracté si l’on espère bien jouer Chopin. Le jeune écrivain, confus, traverse le pas de la porte.


L'évolution du récit

Les transitions aux autres séances chez Madame Pylinska sont effectuées avec brio. Durant celles-ci, Stavy, emporté par une transe pianistique, est visible grâce à la lumière dirigée vers lui alors que Schmitt est dans l’ombre. Nous nous laissons emporter par les interprétations du pianiste sans nous rendre compte qu’au fil des séances, la relation entre le jeune Éric et madame Pylinska, tout en restant des plus atypiques, s’harmonise et se réchauffe. Jusqu’ici, le décor n’a point changé et il ne le fera pas pour le reste de la pièce. Néanmoins, il est parfait dans son minimalisme.



La fin se fait sentir. Nous nous demandons, les spectateurs, si Schmit arrivera finalement à interpréter Chopin correctement. Amoureux de la jeune Dominique, le jeune Éric perd sa tante Aimée, celle qui l’a fait découvrir Chopin. Avec son éloquence et sa sérénité coutumière, il nous raconte que c’est durant cette période qu’il atteint finalement son objectif. Schmitt a perdu sa tante, mais son dernier souffle recelait les talents requis pour jouer Chopin.


Conclusion

Pour conclure, mes attentes indiquées dans mon premier billet de blogue ont toutes été satisfaites, et même dépassées. Aussi, je ne m’attendais point à rire autant durant le spectacle, notamment à cause de l’air que prend Éric-Emmanuel Schmitt alors qu’il incarne madame Pylinska. Grâce à la verve fabuleuse de ce dernier, à la beauté du contenu du récit qu’il nous raconte, aux interprétations remarquables de Nicolas Stavy et aux qualités de sa mise en scène, Madame Pylinska et le secret de Chopin est une immersion au sein d’un univers douillet et ludique que j’aurais envie d’habiter à jamais.



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