Deux spectacles pour le prix d’un
- artslettrescommuni
- 16 oct. 2024
- 4 min de lecture

La salle se remplit peu à peu. Les lumières dans la salle s’éteignent, celles de la scène s’allument. Je m’attends à voir Jeanne Côté et Viviane Audet ensemble sur la scène. Eh non! Petite déception. Seule Jeanne Côté, accompagnée d’un percussionniste, est installée. C’est alors que je comprends qu’il ne s’agit pas d’un spectacle commun, mais bien de deux spectacles pour le prix d’un.
Jeanne Côté a rempli la première heure. Puis, après un entracte servant à réaménager la scène, c’est Viviane Audet, accompagnée d’une harpiste, qui a pris place au piano et qui s’est emparée du micro. Les deux spectacles avaient leurs forces et leurs faiblesses. Je m’explique...
Spectacle de Jeanne Côté
D’emblée, le spectacle de Jeanne Côté a débuté avec un incident cocasse. Durant sa première chanson, Jeanne Côté chantait si près de son micro qu’elle l’a fait tomber. Heureusement, son percussionniste est venu à sa rescousse. Il a répété quelques mesures, le temps qu’elle remette son micro sur son pied. Cet imprévu n’a fait que la rendre encore plus attachante, même s’il a aussi révélé une certaine nervosité, qui, je l’espère, s’atténuera avec l’expérience.
Parlons maintenant de sa présence sur scène. Lorsqu’elle performe, Jeanne Côté semble possédée par la musique. Elle rayonnait sous l’éclairage jaune orangé des projecteurs. C’est avec intensité qu’elle frappait sur les touches de son clavier. En sortait alors une mélodie, certes minimaliste, mais qui, par la répétition, devenait un ver d’oreille plaisant à entendre.
Quand Jeanne se met à chanter, sa voix riche et enveloppante nous berce l’âme. C’est comme si les paroles de ses chansons prenaient vie. Toute la vulnérabilité qui s’y retrouve nous émeut profondément.
Petite parenthèse. Je pense que mes prières ont été entendues. Je crois que Jeanne Côté a interprété une des chansons qui sera présente sur son deuxième album. Durant son spectacle, elle a parlé de son obsession pour le vent. Sur son premier album, Suite pour personne, elle a une chanson nommée Vent d’ouest et, sur son prochain album, se trouvera une autre chanson portant le titre de Vent du sud. Qui plus est, après l’une de ses chansons, elle a dit, et je cite, que celle-ci « était plus nouvelle que les autres ». Coïncidence ? Je ne pense pas.
Entre ses chansons, c’est une autre facette de Jeanne que l’on découvre. Disons que durant, et entre ses chansons, c’est le jour et la nuit. Pendant ses transitions, c’est une personne plus calme, plus posée, plus réservée qui s’offre à nous. Elle nous fait quelques confidences sur l’écriture de ses chansons. Cela nous permet, comme spectateurs, de plonger plus profondément dans son univers.
Cela étant dit, je pense que Jeanne gagnerait beaucoup à s’adresser davantage à son public. J’aurais aimé qu’elle développe plus ses transitions entre ses morceaux. Disons que je n’ai pas très bien saisi le fil conducteur de son spectacle. Je remets d’ailleurs en question son choix d’enchaîner, à certains moments, une chanson intense à une chanson plus douce. Il manquait, à ce niveau, un peu de fluidité. Si Jeanne nous avait plus accompagnés, si elle avait plus parlé à son public, je pense que son spectacle aurait été moins décousu. Mettons cela sur le compte de son inexpérience et de sa personnalité réservée.
Spectacle de Viviane Audet
Pour sa part, Viviane Audet est arrivée sur scène en chantant Les nuits avancent comme des camions blindés sur les filles. Vocalement, elle a une voix plus aiguë et moins puissante que celle de Jeanne Côté. Malheureusement, cela fait en sorte qu’à certains moments, lorsque le crescendo se faisait entendre, il semblait que Viviane se retenait au lieu d’aller chercher la note. Disons que sa voix se prête davantage à des chansons plus douces, comme Tu peux tomber, avec laquelle elle a clôturé son spectacle, qu’à des morceaux plus intenses.
Cela dit, les parties que j’ai le plus appréciées sont celles où Viviane Audet interprétait ses pièces instrumentales au piano. Je tiens d’ailleurs à souligner le travail de la harpiste qui l’accompagnait. Certes, à certains moments, le son produit par la harpe ne s’harmonisait pas toujours avec celui du piano de Viviane. Cependant, lorsque les deux s’harmonisaient, la harpe apportait une dimension magique à l’interprétation pianistique.
La musique n’a pas besoin de mots pour se faire comprendre et pour nous faire voyager. C’est l’une des forces de Viviane Audet, et elle nous l’a prouvé lorsqu’elle a interprété Les filles montagnes — le moment le plus touchant de la soirée, à mon avis. Au piano, les notes qu’elle enchaînait ont plongé la salle dans le drame de Polytechnique. Le désarroi, la tristesse, la vulnérabilité… Chaque note était empreinte d’une énorme charge émotive qui nous rappelait à tous ce drame qui a marqué le Québec. Le tout a culminé lorsque Viviane Audet a nommé chacune des victimes de ce féminicide. J’avoue, j’ai versé une petite larme. Le moment était d’autant plus poignant qu’une proche d’une des victimes — je ne me rappelle plus si c’était la mère ou la grand-mère — était présente dans la salle.
Heureusement, son spectacle avait comme fil conducteur le cahier de notes de sa grand-mère, Dolorès. Les passages que Viviane Audet lisait suscitaient plusieurs fous rires, dissipant ainsi la tension émotive qui régnait dans la salle. Il faut dire que sa grand-mère avait toute une personnalité. Dans son cahier, elle écrivait sans filtre les événements marquants de sa journée, mais pas dans un ordre chronologique.
Retour général
Somme toute, même si ce n’était peut-être pas la formule à laquelle je m’attendais, j’ai passé un bon moment. Autant de la part de Jeanne Côté que de celle de Viviane Audet, j’ai eu droit à un spectacle intimiste. L’une m’a charmée avec sa voix, l’autre avec son piano. Les deux performances étaient loin d’être parfaites. Disons que les forces de l’une étaient les faiblesses de l’autre. Néanmoins, la musique en chacune d’elles résonne profondément, apportant réconfort à l’âme.
2 étoiles sur 3
Texte par Marie Li Renaud
14/10/2024
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